Exposition photographique “Recadrages” : des entreprises en mouvement
Trente entreprises majeures de la région grenobloise photographiées à vingt-deux ans d’intervalle (1991-2013)
En 1991, j’avais photographié ces entreprises en argentique noir et blanc, de nuit.
En 2013, j’ai gardé le même cadrage en les photographiant en numérique, de jour et en couleur. Ces dernières photographies montrent un aspect cru et réaliste de la situation. Il ne s’agit plus de jouer avec une esthétique expressionniste qui sublime, mais d’enregistrer un changement.
Présenter un “recadrage” sur ces entreprises, c’est apporter un regard singulier sur l’industrie à l’heure de préoccupations concernant la relance économique et la reconquête industrielle. Que sont-elles devenues au fil du temps, de la crise, de la mondialisation ?
Ce travail est aussi une réflexion sur l’image et la photographie, ce qu’elles disent ou pas du réel. Il s’agit d’aller au-delà des apparences.
Quelles sont les conséquences de ces évolutions pour l’homme ?
Partenariat du Musée de la Houille blanche, avec le soutien du Conseil Général de l’Isère et de la Région Rhône-Alpes (projet “Mémoires du XXe siècle” avec le LAboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes LARHRA de l’Université Pierre-Mendès-France de Grenoble).
LIEUX D’EXPOSITIONS
Musée de la Houille blanche / 2013
ÉDITIONS
“Recadrages”
Édition Conseil général de l’Isère / Musée de la Houille blanche, 2013
CONFÉRENCES
Colloque Images du travail, travail des images
Festival “Filmer le travail” de Poitiers / 2013
Colloque Les mutations de l’industrie : comment en rendre compte ?
Musée de la Houille blanche / 2014
Articles de presse
Dossier de presse
La fabrique de l’espace-travail / Christian Gattinoni, critique d’art
La démarche d’Anne-Marie Louvet s’appuie le plus souvent sur des modes comparatifs dans le temps comme dans l’espace, où le diptyque reste un instrument privilégié. Ces dualités s’entendent dans des titres de séries tels Entre l’eau et la lumière (1) ou Double faces (2). Dans ces récents Recadrages, elle confronte ses photographies noir et blanc des entreprises majeures de la région grenobloise, réalisées de façon nocturne en 1991, à leur situation actuelle clichée aujourd’hui de jour et en couleurs.
Manufactures, usines et bâtiments industriels ont intégré l’histoire de l’architecture depuis les années 1970. En art, Bernd et Hilla Becher et leurs étudiants formés à la Kunstakademie de Düsseldorf se sont, les premiers, consacrés à la représentation sérielle de ces équipements en les transformant en véritables monuments. Parmi eux, Thomas Ruff a exalté la force des images génériques en photographiant des immeubles d’architectes célèbres, mais de façon distanciée qui leur retirait leur statut d’exception, pour les réduire à des constructions de type grands ensembles. En adoptant cette esthétique froide et statique pour sa seconde image, Anne-Marie Louvet met en perspective l’histoire récente de la photographie. Elle assume ainsi un rôle que Françoise Gaillard assignait à ce type de pratique :
« Confronté comme nous tous au devenir inhumain d’une ville en passe de ne plus obéir qu’à sa volonté aveugle de puissance, l’artiste a un rôle : rappeler (sans emphase) la ville à sa destination humaine : lui remettre en mémoire ce qu’elle fut : un espace en tension où se produit constamment du sens et se tissent en permanence des rapports de signification, car tout y est fait pour faire signe, et cela par des propos qui s’adressent non à l’affect mais à l’intelligence. » (3)
Son protocole prend appui sur le respect des purs paramètres propres au médium, choix d’une temporalité, fermeté du cadrage, respect de la distance. D’une série à l’autre elle désamorce l’effet de lumière sur ces espaces, ce qui exaltait les formes du bâti en le noyant dans l’environnement devient élément neutre d’informations au service d’une objectivité.
La dialectique visuelle qui se joue dans l’entre-images résulte de l’exploitation d’une esthétique qui transforme le réel en une approche sensée le documenter. De fait la co-présence des formes sublimées et de leur évolution réaliste nous incite à entrer dans notre propre fabrique de l’espace du travail, à en décliner les modalités. Plus policés jusque dans leur traduction en images les territoires s’y font plus clos, mieux défendus, comme tenus à distance de respect. Anne-Marie Louvet nous invite à assumer cette fabrique, notre action de spectateur met photographiquement en crise la représentation.
catalogue Entre l’eau et la lumière – édition EDF / 1996 et édition Musée Dauphinois / 1997
(2) à la demande du Parc national des Écrins en 2008
catalogue Portraits de parcs – édition Région Rhône-Alpes / 2010
(3) Aujourd’hui la ville in catalogue La ville qui fait signes (page 208)
édition Le Moniteur / Le Fresnoy 2004