Vision Montréal : condos et hôtels
de luxe / Sonia Pelletier
Pendant une résidence
de deux mois, en continuité avec sa démarche habituelle consistant à inscrire
ses sujets comme “mémoire vivante”, l’artiste
photographe Anne-Marie Louvet s’est retrouvée au cœur
d’un tumulte, déclenché par l’annonce de la démolition
des immeubles formant le quadrilatère des rues Clark, Ontario et
des boulevards Saint-Laurent et De Maisonneuve à Montréal.
Nous savons qu’un projet immobilier controversé sous-jacent à cette
décision, risque de ruiner toute une activité artistique
qui règne dans ce secteur depuis plus de vingt ans et en partie
redevable au dynamisme du centre d’art et de diffusion Clark. Le
collectif de la galerie et de l’atelier faisant partie de ces locaux
actuels en est maintenant à l’étape de sa relocalisation.
Cela concerne aussi les 150 artistes dont l’atelier est situé dans
les immeubles adjacents. À partir de ce triste fait local, de ses
répercussions peu rassurantes sur la transformation du centre-ville,
et de son impact sur la vie de la communauté culturelle montréalaise,
Anne-Marie Louvet a recueilli des images faisant un “lien social” dans
ce contexte désolant.
Se gardant d’être documentaire tout en conservant néanmoins
un caractère informatif, le travail de l’artiste offre à voir
la résonance explicite d’une certaine fragilisation du milieu
mais aussi d’un climat où la pression se fait sentir. Ce
pouvoir de l’image est réuni ici, à la galerie, sous
la forme de plusieurs séries photographiques regroupées selon
une mise en exposition adaptée au contenu. À noter que l’artiste
expose le plus souvent sur les lieux de ses prises de vue. Ainsi,
par le biais de séries photographiques ponctuées de vidéo-témoignages,
sont représentées tour à tour la mémoire des
lieux, des occupants des immeubles en péril, la place des artistes
dans la ville et des constats d’enjeux au niveau immobilier avec
la construction de ces nouveaux “lofts”. L’exposition
d’Anne-Marie Louvet touche non seulement un dossier chaud à Montréal
actuellement, mais questionne aussi toute une identité culturelle
en voie de transformation qui sera ou ne sera pas bienheureuse.